14 octobre 2025
Dans les hautes terres de café du Kenya, de nouvelles tendances émergent, sous l’impulsion des producteurs et du gouvernement kenyan. Les agriculteurs sont cartographiés, les parcelles enregistrées et les systèmes numériques remodèlent discrètement la manière dont le café est acheminé de la ferme au marché. Chaque donnée représente un progrès vers de nouvelles méthodes de commerce agricole, vers des exportations vérifiables et sans déforestation.
Ces informations ont été partagées lors d’un récent atelier réunissant des acteurs de toute la chaîne de valeur du café au Kenya, organisé avec le soutien de la Suède dans le cadre du programme Kenya Trade and Enterprise Initiative (KETEI). Les discussions ont rassemblé des régulateurs, des exportateurs, des agriculteurs et des partenaires de développement afin de réfléchir à la préparation du pays aux nouvelles règles de l’Union européenne en matière de déforestation et aux opportunités offertes par des systèmes de traçabilité plus solides.
Le règlement de l’Union européenne sur la déforestation (EUDR) stipule que certaines marchandises, dont le café, liées à la déforestation ne doivent pas être mises sur le marché de l’UE ou exportées vers celui-ci après le 30 décembre 2025 pour les moyennes et grandes entreprises, et après le 30 juin 2026 pour les petites et micro-entreprises. Le respect de ces réglementations est donc essentiel pour le succès du sous-secteur du café au Kenya, qui dépend fortement du marché de l’UE. Pour le Kenya, cela s’est traduit par une accélération des réformes attendues depuis longtemps dans la manière dont les données agricoles sont collectées et vérifiées. Le pays a cartographié environ un tiers de sa superficie caféière et continue de mettre en place l’un des systèmes de traçabilité les plus avancés d’Afrique.

Dans les coopératives et les bureaux régionaux, les documents administratifs traditionnels liés à l’agriculture sont remplacés par des tablettes, des coordonnées et des registres numériques. Chaque parcelle agricole est enregistrée et reliée à des données satellitaires qui permettent de confirmer l’historique de l’utilisation des terres. L’Autorité agricole et alimentaire (AFA) et la Direction du café dirigent ce processus, en collaboration avec les coopératives, afin de s’assurer que même les petits agriculteurs, qui constituent la majorité des producteurs de café du Kenya, soient inclus.
La décision du gouvernement d’absorber le coût de la cartographie constitue un soutien important. Sans cela, de nombreux petits exploitants trouveraient le coût de la mise en conformité prohibitif. En prenant cette mesure, l’État a permis aux agriculteurs de rester compétitifs sur un marché qui renforce ses exigences en matière de durabilité. Au fond, cette transition est une question de crédibilité. Les importateurs mondiaux exigent de plus en plus la preuve que la production est durable, et l’investissement du Kenya dans la traçabilité répond directement à cette attente. Les systèmes qui se mettent actuellement en place permettront aux exportateurs de démontrer plus facilement leur conformité, aux importateurs de vérifier les déclarations et aux régulateurs de surveiller l’utilisation des terres en temps réel.
Le café kenyan bénéficie déjà d’une forte reconnaissance sur les marchés mondiaux. Le nouveau cadre de conformité renforce cette réputation en associant qualité et transparence. Les exportateurs qui peuvent présenter des données vérifiées sont susceptibles d’obtenir un dédouanement plus rapide et de gagner la confiance des acheteurs européens. Cette crédibilité numérique crée également des avantages secondaires. Une fois que les agriculteurs sont enregistrés et géoréférencés, ils peuvent utiliser ces mêmes données pour accéder à des crédits, à des assurances et à des aides pour les intrants agricoles. La traçabilité renforce leur identité au sein de la chaîne de valeur et jette les bases d’une future innovation sur le marché.

L’UE reste le premier acheteur de café du Kenya, absorbant plus de 60 % des exportations annuelles. Il est essentiel de maintenir l’accès à ce marché, mais les mêmes systèmes développés pour l’Europe serviront également la région dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Les économies africaines approfondissant leur intégration commerciale, les investissements du Kenya dans la traçabilité peuvent aider ses producteurs de café à diversifier leurs marchés, à accéder à de nouveaux acheteurs et à ancrer des chaînes de valeur intra-africaines fondées sur une durabilité vérifiée.
Les progrès ont été constants, mais la coordination reste un défi. Différentes institutions définissent encore la couverture forestière et l’utilisation des terres de manière légèrement différente, et les systèmes de données ne sont pas toujours harmonisés. Les agriculteurs et les exportateurs ont fait part de leurs préoccupations concernant les incohérences qui peuvent faire apparaître des exploitations agricoles conformes comme non conformes dans certains outils de vérification.
Pour combler ces lacunes techniques, il faudra renforcer la collaboration entre les organismes gouvernementaux, les coopératives et les fournisseurs de technologies. L’objectif est de disposer d’un ensemble de données unique et fiable, conforme aux normes nationales et internationales. Des travaux sont déjà en cours pour harmoniser les méthodologies et mettre en place un mécanisme de règlement des différends pour les cas signalés.
Malgré ces obstacles, l’approche du Kenya a été saluée par ses partenaires régionaux. Le pays fait partie des rares pays africains à disposer d’un plan de conformité actif qui rassemble les régulateurs, les agriculteurs et les exportateurs.
Les progrès réalisés par le Kenya suggèrent que la conformité totale est à portée de main si la dynamique actuelle est maintenue. Les investissements dans la cartographie et la vérification numérique sont déjà en train de changer la façon dont les informations agricoles sont gérées, stockées et partagées. Au-delà du respect des réglementations externes, ce processus renforce l’intégrité des propres systèmes d’exportation du Kenya. L’infrastructure de traçabilité en cours de construction aujourd’hui a une valeur qui va au-delà du café. Elle peut soutenir la conformité pour d’autres cultures, la surveillance environnementale et même le financement climatique.
À mesure que le commerce mondial évolue, les données sont devenues la monnaie de la confiance. Le secteur du café au Kenya prouve qu’il est possible de documenter la durabilité sans perdre le caractère de l’industrie ni l’autonomie des agriculteurs. Grâce au travail discret de cartographie et de vérification, un avenir commercial plus résilient s’écrit, enregistrement après enregistrement
