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Renforcer l’autonomie des femmes grâce aux transferts monétaires non conditionnés

Que feriez-vous avec un gain de 200 000 Ushs (53 USD) en poche ? Feriez-vous des courses, compléteriez-vous le paiement des frais de scolarité en instance ou rembourseriez-vous le petit prêt que vous avez obtenu le mois dernier ? Pour de nombreuses femmes des pays à faible revenu, dont l’Ouganda, cet argent supplémentaire leur permet potentiellement d’aller au-delà de la simple satisfaction de leurs besoins de base et de lancer de nouvelles activités économiques ou encore de réinvestir et de développer les activités existantes. Cela peut faire la différence entre avoir assez pour vivre et avoir assez pour vivre, épargner et investir.

Cette année, le thème de la Journée internationale de la femme 2024 est “Investir dans les femmes : Accélérer le progrès”. Le thème est particulièrement pertinent pour l’Ouganda, où les femmes représentent plus de la moitié de la population, dont 46 % constituent la main-d’œuvre ougandaise, mais pour lesquelles le salaire mensuel moyen est inférieur de 130 000 shillings à celui des hommes. Les femmes sont principalement engagées dans les secteurs informels où leurs revenus, la qualité de leurs emplois et leur sécurité sont inférieurs à ceux de leurs homologues masculins. Par exemple, bien que 70 % des femmes ougandaises soient employées dans l’industrie agricole, elles détiennent moins de 20 % de la production du secteur. La faiblesse des revenus rend les moyens de subsistance des femmes et les familles extrêmement vulnérables et limitées sur le plan économique, en particulier dans les situations d’urgence.

Empowering Women Through Unconditional Cash TransfersLes recherches sont de plus en plus nombreuses à soutenir l’utilisation des transferts d’argent liquide comme outil de lutte contre la pauvreté et d’autonomisation économique des femmes. Les transferts de fonds sont des versements en espèces effectués sans règles ni conditions d’utilisation. Les programmes de transferts monétaires bien conçus sont essentiels car ils permettent aux bénéficiaires de répondre à leurs besoins fondamentaux, d’accéder à des services essentiels tels que les soins de santé ou d’investir dans des activités lucratives. Des études ont établi un lien entre la capacité accrue à répondre aux besoins essentiels et l’augmentation de la confiance en soi, de l’efficacité personnelle et de l’autonomie financière des femmes, ce qui conduit à l’autonomisation.

En 2023, le Financial Sector Deepening Uganda, en partenariat avec TradeMark Africa et 100WEEKS, a participé à une initiative visant à fournir aux commerçantes transfrontalières informelles de la ville frontalière d’Elegu des transferts d’argent non conditionnés ainsi qu’une formation au commerce et à l’entreprenariat. Le projet visait à soulager les femmes commerçantes transfrontalières dont le commerce a souffert de la fermeture des frontières et des confinements dans tout le pays au pic de la pandémie de COVID-19, et qui ont perdu leurs commerces et leurs revenus. L’aide a pris la forme d’un transfert d’argent à environ 500 femmes, en trois versements. Chaque femme a reçu un total de 571 658 Ush (153 USD). Les femmes pouvaient également participer volontairement à l’une des trois formations d’éducation financière proposées.

Empowering Women Through Unconditional Cash TransfersLe projet, bien qu’à court terme, a permis d’obtenir des résultats positifs. Les transferts d’argent ont permis aux femmes d’accéder à des besoins de base, notamment la nourriture, les frais de scolarité et les services médicaux. Annet Katushabe, commerçante grossiste dans la ville d’Elegu, témoigne de cet avantage : “Lorsque j’ai reçu l’argent, mes enfants étaient sur le point d’être chassés de l’école en raison de frais de scolarité impayés. J’ai payé la moitié de la somme pour leurs frais de scolarité. J’ai utilisé le reste de l’argent pour acheter des pesticides pour mon jardin, où je plante des cultures destinées à la vente. J’ai également acheté un coq pour compléter mon troupeau de poulets et j’ai ainsi économisé un peu d’argent.

Irene Adong, une autre commerçante transfrontalière qui vend des céréales et des légumineuses, a déclaré : “J’ai utilisé l’argent pour augmenter mon stock de produits à vendre, de manière à disposer de la plupart des produits demandés par mes clients. Mon revenu a tellement augmenté que je peux économiser jusqu’à 150 000 shillings (40 dollars) par semaine. C’est une forte augmentation par rapport aux 20 000 shillings (5 dollars) que j’économisais auparavant par semaine”.

Les femmes déjà engagées dans l’entreprenariat étaient plus susceptibles d’utiliser l’argent pour diversifier leurs activités économiques ou développer leurs entreprises. Il est intéressant de noter qu’en moyenne, 40 % des femmes ont participé aux trois formations malgré leur caractère non obligatoire. L’argent liquide leur a probablement permis de mieux répondre à leurs besoins de base, réduisant ainsi le stress lié à la survie et leur ouvrant des possibilités de renforcement des capacités.

L’un des principaux défis était que plus de 80 % des femmes n’avaient pas de carte d’identité nationale ou de compte d’argent mobile à leur nom. Elles ont dû recruter un sponsor pour recevoir l’argent en leur nom. Une pièce d’identité nationale est de plus en plus nécessaire pour accéder aux services gouvernementaux et financiers. Pour combler l’écart entre les sexes et renforcer l’autonomie économique des femmes, des interventions ciblées sont encore nécessaires pour que chaque Ougandais, y compris ceux qui vivent en dehors des zones urbaines, ait accès à une carte d’identité nationale.

En conclusion, les transferts monétaires non conditionnés constituent un outil précieux pour améliorer les moyens de production, la productivité et l’autonomisation des femmes.

Les transferts améliorent l’accès aux besoins de base, réduisent le stress lié à la vie quotidienne, leur ouvrent des possibilités d’apprentissage et leur permettent d’épargner et d’investir. Les décideurs politiques et les praticiens du développement devraient considérer les transferts d’argent liquide comme l’un des outils à déployer pour réduire la pauvreté et favoriser l’émancipation économique des femmes, même s’ils tiennent compte des contextes socioculturels pour la mise en œuvre de ces mesures.

Par FSD Ouganda